Au cours des années 1990, une équipe néerlandaise de recherche en psychologie de la douleur proposa une théorie qui eut l’effet d’une bombe au sein des intervenants en douleur chronique. L’équipe du Dr Johan Vlaeyen prétendait que la peur de bouger pouvait expliquer une partie du mystère de la douleur chronique. Vlaeyen et son équipe nommèrent ce phénomène la kinésiophobie (ou syndrome de peur-évitement).
Le syndrome de peur-évitement
Le syndrome de peur-évitement est composé d’une émotion, la peur de la douleur et de l’aggravation d’une lésion, ainsi que d’un comportement, l’évitement des activités physiques.
Le comportement d’évitement des activités physiques finit par engendrer une incapacité physique et psychologique, et cette condition augmente de plus en plus l’intensité de la douleur au fur et à mesure que le temps passe.
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Figure 1 : si la douleur causée par une activité physique est interprétée comme menaçante (catastrophisme), la peur liée à la douleur progresse, entraînant un comportement d’évitement qui engendre une incapacité physique et/ou psychologique responsable d’une persistance des expériences douloureuses et, donc, d’un cercle vicieux de peur et d’évitement croissants. (Vlaeyen & coll. 1995)
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La solution
Il faut d’abord comprendre qu’avant de débuter un programme d’exercices pour se débarrasser d’une douleur chronique, on doit absolument éradiquer la kinésiophobie, sinon on ne fait qu’empirer le problème. Les deux étapes pour ce faire sont l’éducation et l’exposition progressive.
L’éducation
Lorsque qu’on se trouve face à une peur irrationnelle, il faut d’abord réaliser que cette peur n’a pas de fondement. Par exemple, si on pense qu’une hernie discale peut causer la paralysie à la suite d’un mouvement ou d’un effort physique, un professionnel doit nous expliquer de façon claire et convaincante que ce n’est pas le cas et que, au contraire, bouger est essentiel pour éliminer la douleur et retrouver ses activités.
L’éducation est essentielle, mais pas suffisante…
L’exposition
L’éducation s’adresse à la région « rationnelle » du cerveau, la région où celui-ci crée des associations : le néocortex. Par contre, la peur, elle, est irrationnelle et provient d’une région plus primitive du cerveau : le système limbique. Même si on comprend que la hernie ne peut causer la paralysie, la peur générée par le système limbique face à une activité physique a préséance sur le fait que l’on sache une hernie sans danger : le système limbique est notre système d’alarme ultime, le mécanisme qui nous a permis de survivre. C’est lui le patron !
Une seule pratique peut venir à bout de la peur de bouger : l’exposition progressive au mouvement. Nos collègues psychologues nous ont enseigné qu’il faut progressivement se confronter à l’élément phobogène (à ce qui nous fait peur) pour l’éradiquer complètement.
Techniques
Des techniques de désensibilisation systématique ont été depuis développées et sont enseignées dans les universités depuis les années 2000. Les kinésiologues, physiothérapeutes, ergothérapeutes et TRP peuvent donc élaborer des protocoles efficaces. Les résultats sont, la plupart du temps, assez rapides : trois à cinq semaines tout au plus. Une fois la kinésiophobie éliminée, la phase de développement des capacités physiques et fonctionnelles peut alors débuter.
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