L’être humain : conçu pour courir

La sélection naturelle, telle que définie par Charles Darwin au XIXe siècle, aurait avantagé l’homme par rapport aux autres grands singes en le dotant progressivement d’attributs lui permettant d’exceller à un autre mode de locomotion que la marche : la course d’endurance.

Deux chercheurs américains, Dennis Bramble et Daniel Lieberman, affirment qu’il y a environ deux millions d’années, l’espèce humaine aurait acquis sa supériorité sur les autres grands singes en s’adaptant positivement à la course à pied, la course de fond plus spécifiquement. Les autres grands singes étant incapables de courir sur de grandes distances, ce mode de locomotion supérieur lui aurait conféré un avantage certain sur ceux-ci en lui permettant un accès plus rapide aux carcasses d’animaux tués par les grands félins, prédateurs des savanes.

L’habitude prise par nos ancêtres de rompre les os des charognes et d’en absorber la moelle a constitué une condition nutritionnelle favorable à l’expansion du cerveau (Kahn, 2007). Ceci aurait donc favorisé le rehaussement des capacités mentales du genre Homo et aurait accéléré le développement de sa capacité à se servir de cet ultime avantage qu’il possède sur le reste du règne animal.

Bramble et Lieberman soutiennent leur hypothèse en démontrant que les vestiges des caractéristiques anatomiques essentielles à la course d’endurance ne sont présents que sur les fossiles d’hominidés du genre Homo. En effet, le squelette conserve des traces des contraintes imposées par les types de locomotion et il est donc possible de savoir par l’analyse d’un fossile si l’espèce en question utilisait la course à pied.
Les auteurs ont identifié 26 traits anatomiques spécifiques favorisant la course d’endurance. Par exemple, le ligament nucal : cette large bande de tissu conjonctif fibreux qui relie les vertèbres cervicales au crâne est une composante du système musculosquelettique indispensable pour stabiliser la tête lors de la course d’endurance. Les chimpanzés en sont dépourvus. Autre exemple qui nous prédispose à la course d’endurance : le ressort naturel qu’est le tendon d’Achille, très développé chez l’Homo sapiens comparativement à celui des autres primates.
En plus des caractéristiques anatomiques que les chercheurs ont pu identifier sur des fossiles, ceux-ci émettent l’hypothèse que d’autres particularités liées à la physiologie de l’homme l’avantagent à la course d’endurance. Par exemple, l’homme est le seul hominidé à posséder des glandes sudoripares qui lui permettent d’évacuer la chaleur produite par les muscles lors de l’effort.

La thèse de Bramble et Lieberman est un peu ironique dans le contexte des dernières années au cours desquelles des professionnels de la santé ont décrié la course à pied en alléguant ses effets délétères pour les articulations. Certaines personnes la qualifient même de « violente » pour l’organisme. En examinant l’ensemble des données, on peut se demander si la sédentarité ne serait pas la vraie violence que l’on inflige au corps ?

Bramble, D. Lieberman, D. (2004). Endurance running and the evolution of homo. Nature. Vol 432.           Kahn, A. (2007), L’homme ce roseau pensant. Nil éditions, Paris.


Autres textes :

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s