Icône du XXe siècle, 35e président des États-Unis et homme le plus puissant de la planète au début des années 60, John « Jack » Fitzgerald Kennedy était paradoxalement l’homme d’État le plus craint et le plus respecté à la fois.
Par contre, très peu de ses contemporains savaient que le pire ennemi de JFK était un mal de dos chronique qui l’a hanté pratiquement toute sa vie.
La déclassification de son dossier médical en novembre 2002 a révélé des faits étonnants sur son état de santé, mais aussi sur le grand courage qu’il a su démontrer face à un ennemi pire que Nikita Khrouchtchev : une douleur chronique au dos.
Un enfant à la santé précaire
JFK a connu une enfance extrêmement difficile sur le plan de sa santé. Il est né avec une maladie auto-immune : le syndrome de Schmidt. Très jeune, il contracte à peu près toutes les maladies infantiles possibles : fièvre scarlatine, bronchite, varicelle, rubéole, oreillons, coqueluche. À l’adolescence, il souffre d’une appendicite à l’âge de 14 ans et il doit se soumettre à d’innombrables investigations médicales à cause d’un système gastro-intestinal très fragile et de pertes de poids inexplicables. Le futur président des États-Unis a dû s’aliter pendant des semaines entières, soit à l’hôpital, soit en convalescence à la maison.
Le début du calvaire
Alors qu’il était dans la US Navy durant la Seconde Guerre mondiale et que son navire patrouilleur avait été littéralement coupé en deux par un destroyer japonais au large des Îles Salomon, JFK dut, au péril de sa vie, nager sur une distance de 5 km pour ramener un des membres de l’équipage qui, autrement, aurait été condamné à se noyer après l’impact.
Cet acte héroïque aggrava malheureusement son mal de dos et entraîna la première des cinq chirurgies qu’il allait subir au cours de sa vie. En effet, une intervention « exploratoire » lui fut proposée en 1944 que Jack accepta, croyant pouvoir régler son problème une fois pour toutes. L’intervention chirurgicale ne se révéla guère fructueuse et aucune hernie discale ou autre anomalie ne fut découverte.
La descente aux enfers
En octobre 1954, 10 ans après la première chirurgie, une autre fut pratiquée mais tourna à la catastrophe : JFK sombra dans le coma lors de l’intervention et on lui administra même l’extrême-onction. Il survécut finalement, mais une infection se déclara autour des vertèbres qu’on lui avait fusionnées. Trois mois plus tard, soit en février 1955, on lui retira la plaque de métal installée lors de la deuxième intervention.
On procéda finalement à une quatrième chirurgie dans le but de réaliser une greffe osseuse. Au cours des 17 mois suivants, JFK sera hospitalisé 9 fois.
La fin du parcours chirurgical
Jack subit une cinquième chirurgie en 1957 où on lui retira un abcès résultant des infections contractées au cours des chirurgies précédentes. À partir de 1955, JFK sera suivi par la Dr Janet Travell, médecin célèbre au États-Unis pour ses travaux sur le syndrome myofascial, entre autres.
JFK, président des États-Unis et … douloureux chronique anonyme
Le 8 novembre 1960, John F Kennedy bat Richard Nixon et accède à la présidence des États-Unis. Il est aussitôt pris en charge par l’équipe médicale de la Maison Blanche dirigée par l’amiral Georges Burkley. Celui-ci intègre la Dr Travell à l’équipe, et débute alors un programme de traitement médical avec comme élément central des injections de procaïne directement dans les muscles du dos.
Un an après le début de sa présidence, l’état de Kennedy empire. Amaigri, il souffre d’une infection urinaire, doit prendre cinq à six douches par jour pour soulager sa douleur, alors que son incapacité physique s’accentue de jour en jour. John F. Kennedy, l’homme le plus puissant du monde, est contrôlé 24 heures sur 24 par sa douleur et, à l’exception de ses proches et du personnel de la Maison Blanche, personne ne soupçonne l’étendue de sa souffrance. On sait que Jack est affligé de douleurs au dos mais, après tout, qui n’a pas mal au dos une fois de temps en temps…
L’épouse du président est inquiète de voir son mari avoir recours de plus en plus souvent à ses béquilles, de même que l’amiral Burkley qui commence à remettre sérieusement en question les traitements de la Dr Travell, d’autant plus que celle-ci en mène large à la Maison Blanche, s’étant signalée auprès de tout le personnel pour sa forte propension à rechercher les feux de la rampe…
La dernière chance
Au cours des derniers mois, l’amiral avait entendu parler d’un orthopédiste de New York qui utilisait avec succès une thérapie pour le moins inhabituelle et assez peu orthodoxe, pour utiliser un terme poli : un programme d’exercices. Burkley joue alors le tout pour le tout et fait appel au Dr Hans Kraus qui est secrètement convoqué à Washington. Celui-ci accepte de traiter le président à condition d’être le seul maître à bord pour ce qui est de sa lombalgie chronique.
La Dr Travell est donc écartée et le Dr Kraus débute un traitement ayant comme noyau son programme d’exercices pour le dos qui durera plusieurs mois. Kennedy, bien que sceptique au début, accepte le protocole et fait aménager une petite salle d’exercice dans un local adjacent à la piscine de la Maison Blanche.
Victoire
Au printemps 1963, Jack ne s’est jamais senti aussi bien. Il est plus fonctionnel et sa douleur est presque disparue. Il peut maintenant soulever ses enfants, les prendre dans ses bras et il est tellement mieux qu’il reprend même la pratique du golf ! Son entourage est médusé par ses progrès et peut unanimement attester que JFK n’a jamais été en aussi bonne santé. Le Dr Kraus lui propose donc d’intensifier son programme d’exercices et même de débuter la course à pied.
La dernière consultation
Cependant, une dernier « détail » agace le médecin du président : celui-ci tient encore à porter son corset lombaire, une « protection » qu’il a adoptée il y a plus de 20 ans. JFK craint de s’en départir, d’autant plus qu’il ne veut absolument pas retourner à l’état où il a passé la majeure partie de sa vie. Aujourd’hui, on décrirait cet état par le mot « kinésiophobie ».
À la fin d’octobre 1963, lors d’une rencontre à la Maison Blanche et après une longue discussion, le président promet à son médecin et désormais ami qu’il se départira définitivement de son corset au Jour de l’An 1964. Ce fut la dernière rencontre entre le Dr Hans Kraus et le président Kennedy. Celui-ci sera assassiné le 22 novembre 1963.
John F Kennedy avait convié, pour la première fois, le Dr Kraus et sa femme à venir souper avec lui et Jacky le lundi suivant, le 25 novembre 1963. Hans Kraus fera quand même le voyage de New York à Washington, non pour le souper mais pour aller se recueillir auprès de la dépouille exposée dans la East Room de la Maison Blanche.
La kinésiophobie de JFK lui aura été fatale
Même si le programme d’exercices de réadaptation du Dr Hans Kraus avait été le seul facteur ayant pu vaincre le mal de dos chronique du président des États-Unis, John F Kennedy insistait toujours pour garder sa ceinture lombaire. Malgré toutes les exhortations de son entourage médical et particulièrement celles du Dr Kraus, JFK passait la majeure partie de la journée avec ce corset qu’il portait depuis sa deuxième année à l’Université Harvard.
Même si l’homme le plus puissant du monde en 1963 pouvait maintenant jouer au golf, celui-ci était toujours kinésiophobe. Le docteur Kraus parvint quand même à ses fins : en octobre 1963, le président lui promit qu’il délaisserait complètement le support lombaire à partir de janvier 1964.
Le destin
Dans sa célèbre biographie sur John F Kennedy publiée en 2003, Robert Dallek mentionne un fait étonnant à la page 694 :
Oswald tira trois balles de la fenêtre du sixième étage du dépôt de livres scolaires [… ] La deuxième balle atteignit Kennedy à l’arrière du cou. Si ce n’avait été du corset lombaire qui le tenait encore en position assise, la troisième et fatale balle qui l’atteignit à la tête n’aurait jamais trouvé sa cible…
Quant à la biographe du Dr Kraus, Susan Schwartz, selon elle, de nombreux historiens pensent que Kennedy aurait probablement survécu à la deuxième balle et que celle-ci venant de l’arrière aurait projeté le président au fond de la limousine, ce qui l’aurait protégé de la mortelle troisième balle.
En constatant ces faits, on ne peut éviter de penser que le corset qui avait sécurisé le président pendant plus de la moitié de sa vie a contribué à son décès et que le destin d’un des hommes les plus importants du XXe siècle a été altéré par un phénomène aussi affligeant qu’inoffensif en soi : la kinésiophobie.
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