Pourquoi les douloureux chroniques détestent Noël

Quand décembre arrive, je “coach“ mes clients et clientes pour la période des fêtes. Alors que la majorité d’entre nous apprécions le temps des fêtes, ceux qui sont aux prises avec une douleur chronique redoutent cette période, car malheureusement elle leur apporte beaucoup d’anxiété.

Pourquoi ?

À cause du regard des autres.

Comme le dirait l’anthropologue français David Le Breton : « La douleur chronique n’a pas l’évidence du sang qui coule ou du membre brisé ». Il est en effet très difficile pour vos proches de comprendre l’étendue de votre souffrance, parce que celle-ci ne porte pas de signature visuelle comme un bras dans le plâtre, une cicatrice, une boiterie ou un membre amputé.

C’est presque immanquable, le beau-frère, ou la belle-sœur, que l’on a pas vu depuis six ou sept mois lors du dernier party de piscine, va revenir avec la triade maléfique connue de toutes les personnes souffrant de douleur persistante :

1) La question sur la santé : « Comment ça va, Sylvie ? »
2) Le jugement rapide de votre état général : « T’as l’air bien ce soir ! »
3) La critique voilée sur votre comportement : « Pis, es-tu de retour au travail finalement, ça fait déjà un bout ? »

Ce genre de « tribunal social » est extrêmement anxiogène et génère souvent un froid dans le groupe. À savoir si le beau-frère en question (je n’ai rien contre les beaux-frères, ça pourrait être n’importe qui…) est délibérément mesquin, manque de tact ou est carrément naïf est plus ou moins important, parce que malheureusement le résultat est le même.
Une chose est sûre, cette situation existera toujours et elle contribue au retrait social progressif des personnes souffrant de douleur persistante.

Solutions

Trois stratégies sont éprouvées pour gérer la situation : la diversion, le script et la zone interdite.

1. Diversion

La meilleure défense est l’attaque. Une stratégie très efficace pour éviter que le projecteur se tourne sur vous est de le tourner vers le « beau-frère » en question. Répondre très brièvement à la première question de façon vague et générale et lui poser immédiatement une ou plusieurs questions générales vous permettront de faire diversion. Si malgré tout les questions reviennent vers vous, adopter la stratégie no 2.

2. Script

Il s’agit de préparer d’avance les réponses aux trois types de questions (voir la triade maléfique plus haut). Le but n’est pas de convaincre, mais bien de diminuer l’anxiété liée à la situation et d’éviter le malaise collectif. Il s’agit de concevoir vos réponses d’avance de façon à neutraliser la question. En fait il faut copier les spécialistes de la « langue de bois », nos amis les politiciens…

3. Zone interdite

La troisième stratégie est plus « intense » que les autres, mais elle a le mérite d’être infaillible et, la plupart du temps, l’échange est extrêmement bref…
Vous établissez une « zone interdite » en répondant poliment mais fermement que vous préférez ne pas parler de votre santé. Répondez avec le sourire et montrez que vous n’êtes aucunement offusqué, mais que c’est une question de principes pour vous. Cette stratégie est votre porte de sortie si jamais les deux premières échouent.

Bon temps des fêtes !

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La douleur, la dépression et les plus puissants de la terre

churchill-jfk-linkedinWinston Churchill et John F Kennedy, deux personnages iconiques du 20e siècle.
Deux des hommes les plus puissants de la Terre qui avaient comme ennemis d’autres personnages à la hauteur de leur stature : Hitler, Castro, Khrushchev, etc.
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Mais les pires adversaires du président américain et du premier ministre britannique étaient plus près d’eux que l’on ne l’aurait jamais pensé.
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Churchill
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Le pire ennemi de Churchill était son « Black Dog », surnom qu’il donnait à sa maladie dépressive. À plusieurs reprises dans sa vie, cette maladie l’a complètement paralysé. L’homme qui a sauvé le monde libre durant la deuxième guerre redoutait son « chien noir » encore plus que Hitler.
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Avec le temps, le leader britannique a réussi à vaincre ses épisodes dépressifs en pratiquant deux activités thérapeutiques pour lui : la peinture et la maçonnerie !
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John F Kennedy
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Pour celui-ci, l’ouverture de ses dossiers médicaux en 2002 a révélé l’un des secrets les mieux gardés de la présidence de John Fitzgerald Kennedy ; ce dernier était handicapé de façon chronique par une douleur lombaire, et ce, depuis l’âge de 23 ans. En fait, la plupart du temps, Kennedy utilisait des béquilles pour se déplacer et seul son entourage rapproché, ainsi que les journalistes qui le couvraient étaient au courant de sa souffrance quotidienne. Très peu de photos existent le montrant avec ses béquilles ou portant sa ceinture lombaire.
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Après avoir essayé tout ce qui existait comme traitements médicaux à l’époque, Kennedy a réussi à vaincre sa douleur à l’aide d’un programme d’exercices spécialisés, conçu par un orthopédiste qui le traitait en secret: le Dr Hans Kraus.

Mais ces deux hommes ne se sont-ils jamais découragé ?

Si on lit attentivement leur biographie, on peut se rendre compte que oui.
Cependant, avec le temps, les deux ont appris à continuer le combat : Kennedy contre la douleur, et Churchill contre ses épisodes dépressifs.

Ont-ils toujours agit de façon intelligente ?

Non, ils ont tous deux ont plongé dans des cocktails d’amphétamines ou d’alcool à certains moments de leur règne.

À plusieurs reprises, ils ont touché le fond du baril.

Eux aussi, tout comme certains d’entre-vous, ont déjà pensé que la meilleure chose à faire était de laisser tout tomber. Mais grâce aux personnes de leur entourage et à leur détermination, Churchill et Kennedy ont réussi à marquer l’histoire.

Ils n’ont pas appris à vivre avec leur souffrance, ils ont appris à la combattre.


“Ce n’est que quand il fait nuit que les étoiles brillent.”

Churchill



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Churchill, le courage et la douleur

churchill-vSouvent, je souhaite du courage à mes clients aux prises avec les griffes de la douleur persistante.

Et Dieu sait s’ils en ont besoin. La lutte à la douleur chronique est une « première guerre mondiale à un niveau personnel » : c’est une guerre de tranchées, avec de profonds moments de découragement, et on ne sait pas quand le calvaire va se terminer.

Un programme de réadaptation en contexte de douleur chronique, ça fonctionne, mais le progrès n’est pas une pente ascendante vers la libération et le retour à une vie normale.

C’est plutôt une ligne brisée, caractérisée par des chutes vertigineuses au fond de l’abîme du découragement.

Et c’est à ce moment que l’intervenante en douleur chronique est importante, qu’elle soit médecin, physiothérapeute, ergothérapeute, TRP ou kinésiologue. L’intervenant doit être un « coach », c’est à dire qu’il ou elle offrira une aide visant à soutenir le douloureux chronique à travers les épisodes d’exacerbation de la douleur, alors que tout semblait s’améliorer, que tous les espoirs étaient permis …

Un coach, c’est une bouée de sauvetage dans une mer de souffrance …

Churchill

Quelquefois, quand je rencontre mes clients et clientes pour la première évaluation, j’ai presque le goût de leur citer Churchill qui annonçait l’inéluctable à ses concitoyens anglais à l’aube de la Seconde Guerre mondiale : « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur. »

C’est bien ça le problème en douleur chronique : le parcours pour la vaincre est tortueux. De plus, contrairement aux Anglais qui avaient la sympathie du monde entier pendant que Londres était bombardée par la Luftwaffe nazie, les douloureux chroniques ne peuvent offrir aucune preuve visible de leur douleur.

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Le succès n’est pas final, l’échec n’est pas fatal, c’est le courage de continuer qui compte.

Winston Churchill

Le vrai courage

Le courage n’est pas un sport de force ou de puissance, c’est un exercice d’endurance. En 1940-1941 les Anglais et Churchill  ont gagné la bataille d’Angleterre non à cause de leur puissance, mais bien grâce à leur endurance et à leur résilience.

Mes clients et clientes, jour après jour, se lèvent le matin pour venir à la clinique accomplir leur programme, et ce, même si souvent toutes les fibres de leur corps supplient de sauter une journée, juste une …

C’est eux, mes vrais héros.

La douleur au dos chez les jeunes

entrainer disque intervertebralLes douleurs chroniques au dos sont relativement fréquentes chez les enfants et les adolescents, surtout chez les jeunes sportifs (50% plus chez les sportifs vs les non-sportifs).

Je vous présente les causes et la solution dans le vidéo suivant.

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Les 3 phases en gestion de la douleur chronique : le développement (2 de 3)

graph modele ikq LINLa deuxième phase d’un programme de réadaptation en contexte de douleur chronique est celle du développement. Il s’agit du développement des capacités physiques, des capacités fonctionnelles et des capacités psychologiques.

Kinésiophobie et diminution de la douleur

Cette phase est particulièrement importante si l’on se trouve en présence de kinésiophobie au début du programme, parce que le rehaussement de la condition physique contribuera à la diminution de l’intensité du signal douloureux durant les efforts physiques. En effet, la peur de bouger entraîne l’évitement des activités physiques et conduit au déconditionnement physique. Ce phénomène de « désentraînement » engendre  une augmentation de la douleur (cliquez ici pour comprendre pourquoi) et l’on se retrouve alors dans le fameux cercle vicieux décrit pour la première fois en 1995 par le chercheur néerlandais Johan Vlaeyen.

Un protocole d’exercices spécifiques mènera vers un rehaussement de la condition physique et permettra une diminution de l’intensité de la douleur en réduisant l’effort relatif des activités physiques de la vie quotidienne.

 

modèle de l'hypokinésie algogène

Figure 1 : modèle de l’hypokinésie algogène : la peur de bouger (kinésiophobie) entraîne un déconditionnement physique, ce qui hausse l’effort relatif pour les activités physiques de la vie quotidienne et augmente le niveau de douleur pour ces activités. Cette augmentation de la douleur entretient la peur et l’évitement des efforts physiques.

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Comportement de persistance malgré la douleur (CPMD)

Pour un individu présentant un comportement de persistance malgré la douleur (pour en savoir plus sur le comportement opposé à la kinésiophobie, cliquez ici), il s’agit surtout d’implanter le concept du point d’inflexion de la douleur (PID). C’est une méthode permettant de gérer un effort physique (continuer un effort ou le stopper) en fonction de l’intensité de la douleur.

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graph modele ikq FBFigure 2 : modèle d’intervention de l’Institut de kinésiologie du Québec en réadaptation en contexte de douleur chronique.

 

Le point d’inflexion de la douleur (PID)

La maîtrise du point d’inflexion permet un développement des capacités physiques et fonctionnelles en phase 2, mais elle permet également un ajustement des efforts lors du retour aux activités normales de la vie quotidienne.

 

Vidéo 1 : Application de la méthode du point d’inflexion de la douleur (PID) en réadaptation au travail. Le PID permet non seulement un ajustement de l’intensité de l’effort lors des exercices de réadaptation, mais aussi lors du programme de retour au travail thérapeutique (RTT) (cliquez ici pour d’autres vidéos).

Le point d’inflexion de la douleur est le concept le plus important de la phase 2. C’est le guide fondamental qui permet une hausse des capacités en évitant l’augmentation de la douleur.

Capacités physiques et capacités fonctionnelles

Une fois la kinésiophobie  éliminée et le comportement de persistance maîtrisé, la capacité physique sera d’abord développée pour progressivement mener vers le développement des capacités fonctionnelles.

La capacité physique et la capacité fonctionnelle sont deux concepts différents. Le premier a trait au potentiel de production d’énergie mécanique de l’organisme. Une bonne capacité physique brute est nécessaire à l’accomplissement des fonctions humaines.

Nécessaire,  oui, mais non suffisante.

D’autres éléments de nature biomécanique, neurologique, voire psychologique doivent être intégrés au programme de prise en charge interdisciplinaire pour obtenir un bon transfert. Le niveau de transfert est le rapport entre les gains obtenus sur le plan de la fonction que l’on veut améliorer et ceux obtenus lors de l’exercice. Plus les adaptations physiologiques induites par le programme d’exercices sont transformées en améliorations de la fonction, plus le niveau de transfert est grand. On peut alors parler de hausse de la capacité fonctionnelle.


La capacité fonctionnelle est l’aptitude à exécuter le plus efficacement possible les fonctions de la vie quotidienne.


Une fois les capacités fonctionnelles de la personne en développement, la phase de retour à l’activité pourra alors commencer.


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La douleur est dans votre tête …

opinion grisCette phrase est un classique pour tous les intervenants en douleur persistante. Les personnes qui souffrent de douleur chronique et qui se font donner l’explication que la douleur est produite par le système nerveux central reçoivent parfois très mal cet enseignement donné par leur kinésiologue, physiothérapeute ou médecin traitant.

Ceux-ci en concluent que l’intervenant pense qu’ils «imaginent» ou exagèrent l’importance de leur souffrance. Bien qu’après presque 25 ans de travail dans le domaine je peux malheureusement avouer que certains intervenants ont malheureusement des préjugés (et ceux-ci devraient changer de boulot …), dans la majorité des cas ce n’est pas du tout ce que le professionnel veux dire. Ceux-ci veulent faire comprendre que c’est le cerveau (siège du système nerveux central) qui contrôle la douleur, et que c’est un dérèglement de ce système qui est la cause de la persistance de la douleur (voir le texte sur les causes de la douleur chronique).

Cette situation est le plus grand malentendu en réadaptation en contexte de de douleur chronique.

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La douleur est toujours … une douleur

La «perception» de la douleur est un pléonasme. La douleur est par définition une perception. L’intensité peut sembler amplifiée par rapport à la lésion (si lésion il y a, car ce n’est pas toujours le cas) mais l’expérience de l’individu qui souffre est réelle est doit être reçu comme tel par le professionnel.

Non seulement ce doit être le cas, mais les professionnels en question doivent communiquer aux gens affligés par la douleur qu’ils comprennent bien l’importance de leur souffrance. En effet, les gens souffrant de douleur chronique  ont appris depuis longtemps  à détecter le scepticisme sur le visage des intervenants, et ceci contribue souvent au problème.


La douleur est une construction strictement personnelle, à laquelle participe tout notre système nerveux …

Henri Laborit, 1976



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L’angoisse de la douleur

opinion grisLes gens qui souffrent de douleur chronique sont pour la plupart angoissés à cause de l’impossibilité d’agir sur leur douleur.

Ils ne peuvent ni la fuir ni la combattre. C’est l’impossibilité d’agir, ou ce que l’on nomme dans les milieux scientifiques : l’inhibition de l’action.

L’inhibition de l’action

Le biologiste Henri Laborit a écrit «l’inhibition de l’action» en 1979.  : il y écrit que le seul comportement qui reste lorsqu’on ne peut agir ni fuir est la soumission et l’acceptation du statu quo, d’où l’angoisse et l’inquiétude face à l’avenir (ce qui est un calvaire pour les gens prédisposés à l’anxiété car par définition celle-ci est «l’intolérance à l’incertitude») et éventuellement l’apparition d’autres maladies.

C’est la raison pour laquelle une démarche de prise en charge en gestion de la douleur chronique doit être échafaudée sur l’action, c’est à dire une approche active.


L’angoisse survient lorsqu’on ne peut agir, c’est à dire ni fuir, ni lutter.

Henri Laborit, Éloge de la fuite, 1976



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Est-ce que l’exercice peut aggraver la douleur chronique ?

Oui.

Bouger est bénéfique pour tout le monde, particulièrement pour les personnes souffrant de douleur chronique. Cependant, il faut être prudent. L’exercice physique est comme un médicament; alors qu’une dose adéquate est utile, un excès peut avoir l’effet contraire.

Chez une personne souffrant de douleur persistante depuis plusieurs mois, un excès de douleur durant un effort physique peut sensibiliser le système nerveux central et augmenter l’hyperalgie (une douleur de plus en plus intense pour la même tâche). À force de répéter ce comportement, on empire le problème de douleur chronique.

Une prescription d’exercices doit être individualisée

Malheureusement, beaucoup d’intervenants et d’organismes suggèrent des protocoles généraux qui ont le potentiel  d’aggraver le problème.

Ainsi, voici un exemple trouvé dans une brochure s’adressant à une clientèle souffrant de douleur persistante :

« Marchez de trois à cinq fois par semaine à raison de 20 à 60 minutes par jour ».

Pour certaines personnes souffrant de douleur chronique, marcher 20 minutes peut exacerber la douleur de façon très importante. Pour ces personnes souvent très déconditionnées, même deux à trois minutes de marche sont suffisantes pour induire des changements au système nerveux central qui auront pour effet d’exacerber la douleur. C’est le phénomène de «centralisation de la douleur».


Un programme d’exercices, particulièrement en contexte de douleur chronique, devrait toujours être prescrit par un professionnel (kinésiologue, éducateur physique, physiothérapeute, ergothérapeute ou thérapeute en réadaptation physique).


Le point d’inflexion de l’intensité de la douleur (Pid)

En réadaptation en contexte de douleur chronique, l’indicateur le plus important de la prescription d’activité physique est l’intensité de la douleur et non l’effort physique. Il existe un moyen très efficace pour bien moduler la dose d’exercice en gestion de la douleur : le point d’inflexion de la douleur (Pid). Cette technique permet au participant d’ajuster de façon très précise la dose de mouvement lors de l’exercice. Il s’agit d’être capable de déterminer le moment où l’intensité de la douleur augmente durant un effort. Quand le Pid est atteint, il est impératif d’arrêter l’effort.

On peut reprendre l’effort si l’intensité de la douleur redescend au niveau initial. Ensuite, si le temps avant l’atteinte du Pid pour le deuxième intervalle d’effort est inférieur à 50 % du temps avant l’atteinte du Pid lors du premier intervalle, on doit stopper l’activité pour la journée. À noter que le même concept peut être appliqué à une tâche psychologique.


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Comment vaincre la kinésiophobie

vlayean linkedinAu cours des années 1990, une équipe néerlandaise de recherche en psychologie de la douleur proposa une théorie qui eut l’effet d’une bombe au sein des intervenants en douleur chronique. L’équipe du Dr Johan Vlaeyen prétendait que la peur de bouger pouvait expliquer une partie du mystère de la douleur chronique. Vlaeyen et son équipe nommèrent ce phénomène la kinésiophobie (ou syndrome de peur-évitement).

Le syndrome de peur-évitement

Le syndrome de peur-évitement est composé d’une émotion, la peur de la douleur et de l’aggravation d’une lésion, ainsi que d’un comportement, l’évitement des activités physiques.

Le comportement d’évitement des activités physiques finit par engendrer une incapacité physique et psychologique, et cette condition augmente de plus en plus l’intensité de la douleur au fur et à mesure que le temps passe.

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Figure 1 : si la douleur causée par une activité physique est interprétée comme menaçante (catastrophisme), la peur liée à la douleur progresse, entraînant un comportement d’évitement qui engendre une incapacité physique et/ou psychologique responsable d’une persistance des expériences douloureuses et, donc, d’un cercle vicieux de peur et d’évitement croissants. (Vlaeyen & coll. 1995)

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La solution

Il faut d’abord comprendre qu’avant de débuter un programme d’exercices pour se débarrasser d’une douleur chronique, on doit absolument éradiquer la kinésiophobie, sinon on ne fait qu’empirer le problème. Les deux étapes pour ce faire sont l’éducation et l’exposition progressive.

L’éducation

Lorsque qu’on se trouve face à une peur irrationnelle, il faut d’abord réaliser que cette peur n’a pas de fondement. Par exemple, si on pense qu’une hernie discale peut causer la paralysie à la suite d’un mouvement ou d’un effort physique, un professionnel doit nous expliquer de façon claire et convaincante que ce n’est pas le cas et que, au contraire, bouger est essentiel pour éliminer la douleur et retrouver ses activités.

L’éducation est essentielle, mais pas suffisante…

L’exposition

L’éducation s’adresse à la région « rationnelle » du cerveau, la région où celui-ci crée des associations : le néocortex. Par contre, la peur, elle, est irrationnelle et provient d’une région plus primitive du cerveau : le système limbique. Même si on comprend que la hernie ne peut causer la paralysie, la peur générée par le système limbique face à une activité physique a préséance sur le fait que l’on sache une hernie sans danger : le système limbique est notre système d’alarme ultime, le mécanisme qui nous a permis de survivre. C’est lui le patron !

Une seule pratique peut venir à bout de la peur de bouger : l’exposition progressive au mouvement. Nos collègues psychologues nous ont enseigné qu’il faut progressivement se confronter à l’élément phobogène (à ce qui nous fait peur) pour l’éradiquer complètement.

Techniques

Des techniques de désensibilisation systématique ont été depuis développées et sont enseignées dans les universités depuis les années 2000. Les kinésiologues, physiothérapeutes, ergothérapeutes et TRP peuvent donc élaborer des protocoles efficaces. Les résultats sont, la plupart du temps, assez rapides : trois à cinq semaines tout au plus. Une fois la kinésiophobie éliminée, la phase de développement des capacités physiques et fonctionnelles peut alors débuter.


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Les 3 phases en gestion de la douleur chronique : la préparation (1 de 3)

graph modele ikq LINUne approche active est la seule façon d’éliminer définitivement la douleur persistante. Pour qu’elle soit efficace, il importe que celle-ci soit basée sur un modèle d’intervention qui, lui, repose sur des principes, des concepts et des méthodes éprouvés scientifiquement et cliniquement.

Au cours des quelque 20 dernières années, un modèle d’intervention a émergé de notre compréhension de la recherche et de notre pratique clinique. Ce modèle se présente en trois phases : la préparation, le développement et le retour aux fonctions.

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graph modele ikq FBFigure 1 : modèle d’intervention de l’Institut de kinésiologie du Québec en réadaptation en contexte de douleur chronique.

Même si l’exercice peut à prime abord paraître théorique, il est important de bien comprendre le modèle, car celui-ci est un point de repère autant pour les intervenants que pour les individus qui participent à la démarche.

Voici donc une brève description de la première phase du modèle, la phase de préparation.


Si je disposais de six heures pour abattre un arbre, je consacrerais les quatre premières heures à aiguiser ma hache.

Abraham Lincoln


1) Préparation

La façon d’élaborer la phase préparatoire est d’établir les bases sur lesquelles tout le reste du programme  doit s’appuyer. Celle-ci comporte trois étapes.

1.1) Lien de confiance

C’est au début de cette phase que sera établi le lien de confiance entre le ou la professionnel-le et l’individu qui souffre. Point n’est besoin d’expliquer pourquoi il est si important qu’un lien de mutuelle confiance s’installe entre l’intervenant et la personne aux prises avec un problème de douleur persistante.

1.2) Éducation

Une fois le lien de confiance établi, l’intervention d’éducation sera déployée. Le fait de comprendre les mécanismes de la douleur persistante est essentiel et, dans certains cas, peut même être suffisant pour éradiquer la douleur !

Un exemple impressionnant : le Dr John Sarno, un physiatre américain maintenant à la retraite, à fait la manchette pendant longtemps aux États-Unis en obtenant auprès de ses patients un taux de succès de près de 90 % avec un traitement qui consistait en seule une présentation d’environ trois heures !

(cliquez ici pour voir le reportage au complet)

1.3) Ajustement de la charge

La dernière étape de la phase 1 est l’ajustement de la charge. En science de l’exercice, la charge représente une quantité de mouvements. Un des problèmes fondamentaux en douleur persistante est la relation entre le mouvement et l’intensité de la douleur.

Trop peu de mouvements augmente la douleur (kinésiophobie) et une trop grande quantité d’activité physique (CPMD) augmente aussi la douleur.

Un programme d’exercices spécialisés visera à ajuster le rapport au mouvement et aura comme but premier d’éliminer la kinésiophobie ou le comportement de persistance malgré la douleur (CPMD).

Si le développement des capacités physiques est initié avant cette étape, le programme sera obligatoirement un échec.

Une fois la phase de préparation terminée, la phase de développement pourra être initiée.


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